Février-Mars 2013 - Diophante & Hypatie

 

06-02-2013. Diophante et Hypatie

En ces temps reculés, exerçait au lycée d’Alexandrie un vieux professeur de mathématiques spéciales, nommé Diophante. L’homme avait acquis une solide réputation en plaçant régulièrement chaque année deux ou trois de ses disciples aux écoles normales de Milet et d’Alexandrie. Maintenant proche de la retraite, et sentant le temps compté, il se consacrait tout autant au développement de ses recherches personnelles qu’à ses enseignements. Il préparait un traité d’arithmétique et apportait à cet ouvrage le soin jaloux que mérite un legs précieux aux générations futures. Il y travaillait sans relâche et il y pensait sans cesse, même durant les heures de cours que lui imposait sa charge.

Dans les débuts de la rédaction de son grand-œuvre, il pensa tout d’abord que l’obligation fâcheuse de devoir continuer ses leçons allait ralentir l’avancement de son traité. Mais il remarqua vite que les plus brillants de ses disciples, à défaut d’être capables d’imaginer et démontrer par eux-mêmes les puissants théorèmes dont lui-même accouchait, étaient en revanche parfaitement en mesure d’en reformuler les preuves, pour peu qu’il leur en indique le fil conducteur. Il profita dès lors des « colles » (séances d’interrogation, NDLR), pour soumettre sous la forme d’un exercice tel ou tel résultat exposé dans son livre en gestation, dont il souhaitait contrôler la démonstration.

Cette pratique alla bien au-delà de ses premières espérances : certains disciples proposaient en effet une preuve plus rapide et plus élégante que celle qu’il avait initialement conçue, d’autres suggéraient des pistes nouvelles ou des généralisations. Bref, son travail s’était trouvé grandement enrichi par cette collaboration cachée. Et comme celle-ci lui semblait d’autant plus efficace qu’elle demeurait secrète, il la maintenait, telle tout en gardant note sur ses tablettes des apports les plus originaux ou les notables, afin de rendre collectivement justice à leurs auteurs lors la parution du fameux ouvrage. Diophante était ainsi devenu sans le savoir le père du travail communautaire, du crowd-sourcing et du creative commons !

Cette année là, le majorant (premier, NDLR) de la classe du professeur Diophante était une majorante et elle s’appelait Hypatie… La scène se déroule au lycée d’Alexandrie, sur l’agora des prépas.

-  Hé ! Synésios, où cours-tu donc si vite ?

-  Salut à toi, Isidore ! J’ai colle de maths avec Δiouf… et je te signale d’ailleurs que toi ζ’aussi !

-  Par Zeus et Héra réunis, ce détail m’avait échappé… J’arrive !

-  Oups, les gars ! Alors, on attend plus les copines ?

-  Hi ! Hypa ! On est tous les trois à la bourre, le vieux Δiouf va encore ronchonner, c’est clair…

-  Voyons, voyons : Mademoiselle Hypatie, Messieurs Isidore et Synésios, nous voici donc enfin au complet ! Ne perdons plus de temps, voulez-vous, jeunes-gens ?

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